Angèle Vannier, barde et poète

Elle naît le 12 août 1917 à Saint-Servan, près de Saint-Malo. Entourée de sa grand-mère, de sa tante, Eugénie Gautier, elle passe son enfance sous la règle austère de principes religieux très stricts. De cette atmosphère domestique et mystique, bercée de rondes populaires, de cantiques naïfs, nourrie de contes de fées et de légendes bretonnes, naîtra chez Angèle, le goût du mystère et de l’énigme. En novembre 1939, dans sa vingt-deuxième année, elle perd la vue. Sa cécité brutale la plonge dans un profond désespoir. Sa tante Eugénie et sa servante Amélie l’aident à supporter son handicap, en lui faisant la lecture. Le Chatelet, demeure de Bazouges-la Pérouse où elle vit, devient un lieu d’échanges et d’écriture dédié à la poésie. En 1943, sa rencontre avec Théophile Briant, le poète de la mer, se révèle déterminante. Il lui ouvre les portes des grands auteurs de l’époque, Colette, Cocteau, Éluard… et l’incite à fouiller ses racines celtes. Ce qu’elle fait.
Durant les années 1940, Angèle anime des émissions de radio à Rennes et à Paris. Elle prépare notamment des émissions pour Radio Bretagne. En 1947, elle publie son premier recueil Les Songes de la lumière et de la brume. Afin de s’attirer un plus large public et de s’imposer dans le monde littéraire, elle rejoint Paris, mais restera très liée à sa terre bretonne. Son deuxième recueil, L’Arbre à feu, préfacé par Paul Éluard, contient des poèmes mais aussi des chansons. L’une d’elles, le Chevalier de Paris, mis en musique par Philippe-Gérard et chanté par Édith Piaf, lui apporte la célébrité. La profondeur des liens qu’elle tisse avec la forêt de Brocéliande et sa mythologie lui valent d’être sacrée, en 1951, Barde de Petite Bretagne. L’année 1973 marque son retour définitif à Bazouges. C’est l’occasion pour elle de réaffirmer son identité bretonne. En décembre elle débute à Dol-de-Bretagne, avec le harpiste Myrdhin, le premier récital d’une longue série. Son dernier recueil de poésie - Brocéliande que veux-tu ?, écrit en sept jours, évoque sa liaison épistolaire et passionnée avec le poète Roger Siméon. Il sera mis en musique par Myrdhin.
Elle décède brutalement dans la matinée du 2 décembre 1980 d’une congestion cérébrale, le jour de la sainte Viviane…
DE MA VIE
De ma vie je n’ai jamais vu
Plus beau visage que sa voix
Ses yeux portent l’âme des eaux
Blessées à mort depuis des siècles
Par le silence des grands bois
Son front descend de la lumière
Comme l’Égypte du mystère
Et sa bouche a juste le poids
Le poids terrible du bonheur
Que pouvait supporter mon cœur.
Angèle Vannier Extrait, Poèmes choisis 1947-1978, Rougerie, 1990