JUDITH GAUTIER, perle d'Orient
Si peu connue et pourtant pionnière de l’orientalisme et première dame de l’Académie Goncourt.
Née le 24 avril 1845, elle est la fille aînée du poète Théophile Gautier. Judith reçoit de ce père adoré une éducation placée sous le signe des lettres et des arts. Il l’associe très jeune à ses travaux littéraires. Au domicile familial, Judith côtoie le monde littéraire et artistique de l’époque : Hugo, Baudelaire, Flaubert, les Dumas père et fils, Delacroix, Jean Lorrain, Anatole France, les frères Goncourt. Un chinois, recueilli par son père, lui enseigne le chinois et auprès de lui elle découvre la littérature chinoise. Elle se passionne pour cette culture lointaine, qui imprègne toute son œuvre littéraire. Elle traduit les poètes chinois dans Le livre de jade, puis plus tard, dans son recueil Les poèmes de la libellule.
Judith s’éprend au grand dam de son père de Catulle Mendès. Angéliquement beau, intelligent, au charme irrésistible, mais coureur de jupons... alcoolique, obscène, Gautier tout en l’admirant l’appelle « Crapule Membête ». Judith passe outre la désapprobation de son père et l’épouse. Le mariage sera des plus malheureux. Judith divorce.
Elle s’engage alors dans une riche activité littéraire, à commencer par une bataille journalistique en faveur de Wagner qui l’adorera et avec qui elle entretiendra une relation amicale. Outre son activité journalistique, elle publie romans, nouvelles, essais, pièces de théâtre, des articles sur la Chine et l’Orient, sans oublier ses souvenirs réunis sous le titre de Collier des jours.
En 1877 elle acquiert, à Saint-Enogat, près de Dinard, une villa, qu’elle baptisera Le pré des oiseaux du nom du héros des maîtres chanteurs de Wagner. Elle y recevra Cosima Liszt et Wagner, Pierre Loti, John Singer Sargent qui réalisera quelques beaux portraits d’elles, son ami le peintre japonais Yamamoto, Pierre Louÿs et Debussy, des princes orientaux, l’Empereur d’Annam et bien d’autres encore !
Dès le début de la guerre 14-18, Judith Gautier transforme sa demeure en refuge pour les blessés, les évadés, les aviateurs échoués.... Épuisée, malade elle meurt le 26 décembre 1917 à 72 ans.
La mer
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La mer est une amante éperdument éprise
Du ciel capricieux qui la courbe sous lui,
Caressante, lorsqu’il l’effleure d’une brise,
Boudeuse, quand à l’aube aucun rayon n’a lui.
D’un effluve brûlant il l’enlace, aujourd’hui,
Demain, de l’ouragan la fouaille et la brise.
Alors, clamant sa peine et son mortel ennui,
Elle se cache en un linceul de brume grise.
Ce voile, il le déchire, apaise les sanglots
De l’esclave. Elle rit et défronce ses flots,
Car maintenant c’est un poème qu’il compose,
Avec de la lumière et des teintes de rose,
D’émeraude, d’azur, d’or, de pourpre ou de miel,
Et l’amoureuse mer donne la rime au ciel.