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Marie de Régnier, l'audace d'être libre  

Fille de José-Maria de Hérédia, épouse d’Henri de Régnier, maîtresse de Pierre Louÿs, et mère de Pierre Régnier. Tous poètes ! Comment échapper à un destin littéraire dans un tel environnement !  Elle sera poète, romancière, journaliste et avec talent ! A sa naissance en 1875, son père dira :

« Le jour où tu es née naissaient toutes les fleurs, et dans le baptistère chantaient les rossignols. »

Les de Heredia, le père, la mère et les trois filles c’est un clan ! Auprès du père insouciant et fantaisiste, la mère, c’est la voix de la raison. Chez les de Heredia, se croisent hommes de lettres, artistes, journalistes… Rien d’étonnant à ce qu’à huit ans, Marie ait l’idée d’envoyer à Leconte de L’Isle, poète parnassien et ami de la famille, son premier poème Le Myosotis. Dix ans plus tard, en 1894, Ses Premiers Vers seront publiés dans la Revue.  Et déjà elle est remarquée par les critiques littéraires, Charles Maurras qui lui consacrera un chapitre entier dans son ouvrage L’Avenir de l’intelligence.  Jean de Gourmont écrira :

« Ses poèmes permettent de juger de la maîtrise parfaite de son talent où il semble que l’art de Heredia s’est marié à celui d’Henri de Régnier, en une simplicité d’un goût toujours sûr. Aucune femme ne manie avec plus de souplesse, dans les gestes de l’écriture, la langue française. Cette simplicité est savante ; dans cette poésie il y a un rythme doux et tendre, dont le flux laisse en nous une émotion très subtile. […] Cette poésie s’enfonce jusqu’à l’âme comme un baiser : on la sent s’insinuer en soi, et c’est à la fois une émotion intellectuelle et sensuelle. »

Entre 1903 et 1946 elle publiera romans, nouvelles, poèmes, pièces de théâtre, critiques, articles dans la presse…Trois grands prix de l’Académie française, couronneront cette grande figure des lettres. Avec la disparition de ses proches et de ses amis vient la solitude. En littérature les modes ont changé. Elle subit alors l’inexorable oubli…Elle est désormais seule et démunie. Pour survivre décemment elle va vendre des souvenirs... Un bureau de son père, la bibliothèque d’Henri de Régnier…Un après-midi, la vieille domestique lui apporte son thé à 16h30 comme d’habitude. Elle trouve Marie en train de brûler. Elle s’était trop rapprochée d’un chauffage d’appoint. Voici quelques vers étonnamment prémonitoires :

 

La cendre de mon corps que consume la terre

En d’ardentes saisons me refleurit au jour ;

Cueille une de ces fleurs au prix de ton détour,

Et passe... ? car, berçant mon sommeil solitaire,

J’entends dans le refrain que murmure l’Amour,

Le regret éternel de ma forme éphémère.

 

Elle s’éteindra dans la nuit du 5 au 6 février 1963 à l’âge de 88 ans.

Son épitaphe met un point d’orgue à l’œuvre de cette grande femme de lettres trop injustement méconnue !

 

Je veux dormir au fond des bois, pour que le vent

Fasse parfois frémir le feuillage mouvant

Et l’agite dans l’air comme une chevelure

Au-dessus de ma tombe, et selon l’heure obscure

Ou claire, l’ombre des feuilles avec le jour

Y tracera, légère et noire, et tour à tour,

En mots mystérieux, arabesque suprême,

Une épitaphe aussi changeante que moi-même.

©2020 par Marie Vermunt. Créé avec Wix.com

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